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Élections législatives irakiennes de 2025 : règles du jeu, influence iranienne et acteurs absents (1/5)

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Le 11 novembre 2025, les Irakiens ont voté lors des sixièmes élections législatives depuis la chute de Saddam Hussein en 2003. Ce scrutin a confirmé la continuité plutôt que le changement. Elles montrent que la politique transactionnelle demeure dominante, au détriment d’une démocratie réellement transformationnelle. Près de vingt ans après le début de la démocratisation en Irak, la compétition politique repose encore sur les réseaux de patronage, la mobilisation sectaire et les compromis entre élites, plutôt que sur des programmes politiques. Cette série d’articles analyse les élections irakiennes de 2025 à travers quatre angles complémentaires : le cadre institutionnel, les équilibres communautaires, la figure du Premier ministre sortant et le rôle structurant du Cadre de coordination chiite.

Elections législatives en Irak en novembre 2025.
Elections législatives en Irak en novembre 2025.

I. Le cadre institutionnel et électoral irakien

1. Le déroulement des élections législatives de 2025

Le 14 décembre 2025, la Cour suprême fédérale irakienne a ratifié les résultats des élections législatives. Le président par intérim a ensuite annoncé la tenue de la session inaugurale de la nouvelle législature le 29 décembre. Cette étape lance le compte à rebours constitutionnel pour la formation du gouvernement et renforce la pression sur les forces politiques afin qu’elles règlent leurs différends internes autour des postes régaliens.

La Commission électorale a annoncé une participation de 56 %, contre 43 % en 2021. Il faut toutefois noter que seuls 21 millions d’Irakiens étaient inscrits sur les listes électorales après la mise à jour de leur carte biométrique, alors que 32 millions sont en âge de voter. Dans ce contexte de participation relative, la compétition électorale est néanmoins restée très dense avec 7 745 candidats en lice pour 329 sièges au Parlement.

2. Le processus constitutionnel de formation du gouvernement

Selon la Constitution irakienne de 2005 (article 76‑1) : « Le président de la République charge le candidat désigné par le bloc parlementaire le plus large de former le Conseil des ministres dans les quinze jours suivant son élection ». Pourtant, près de deux décennies plus tard, le sens exact du « bloc le plus large » reste débattu. Certains l’interprètent comme la liste électorale ayant remporté le plus grand nombre de sièges, d’autres comme une coalition post-électorale disposant d’une majorité parlementaire. Le 25 mars 2010, la Cour suprême fédérale a clarifié que le « bloc le plus large » pouvait désigner soit une coalition pré-électorale remportant le plus de sièges, soit une alliance post-électorale entre plusieurs listes constituant ensemble la majorité.

La première tâche de la nouvelle législature sera d’élire à la majorité absolue le président du Parlement, poste traditionnellement réservé à un musulman sunnite selon le système ethno‑confessionnel irakien. Dans les 30 jours suivant cette élection, le président de la République (kurde) doit être élu à la majorité des deux tiers du Parlement. Enfin, dans les 15 jours suivant son élection, le président charge le Premier ministre (chiite), désigné par le plus grand bloc parlementaire, de former le gouvernement. Le Premier ministre dispose alors de 30 jours pour former un gouvernement. Depuis le renversement du régime baasiste en 2003, la formation du gouvernement après les élections en Irak a pris en moyenne 203 jours.

II. L’Iran : une influence structurelle sans intervention visible

Conscient de son environnement régional plus contraignant, l’Iran agit avec prudence. La République islamique sait toutefois que son influence en Irak ne dépend pas de l’identité du Premier ministre, en raison de son implantation politique et militaire profonde au sein du Cadre de coordination et de la bureaucratie irakienne. Téhéran privilégie ainsi une stratégie de retenue. Tant que ses mandataires restent intégrés à l’architecture gouvernementale, il n’a pas besoin d’intervenir publiquement dans le choix du chef du gouvernement. Sa priorité demeure la préservation de l’influence des milices. L’enjeu central n’est pas tant le nom du futur Premier ministre que le déroulement des négociations post-électorales avec les acteurs kurdes et sunnites, les engagements pris et leur mise en œuvre. Ces négociations pèseront davantage sur la trajectoire de la gouvernance irakienne que sur l’identité d’un Premier ministre dont l’autorité est déjà structurellement limitée.

III. Moqtada al-Sadr : l’absent qui structure le jeu politique

En mars 2025, Moqtada al-Sadr avait annoncé que son mouvement boycotterait les élections législatives, invoquant « la propagation de la corruption et des corrompus ». Depuis plus de quinze ans, ses retraites soudaines, en tant que chef du Mouvement patriotique chiite (anciennement Mouvement sadriste), influencent profondément le pouvoir au sein du camp chiite et le paysage politique national. Avant les élections de novembre 2025, il a présenté plusieurs conditions pour un éventuel retour : le désarmement des milices et le transfert de leurs armes sous contrôle de l’État, le renforcement des forces militaires et policières officielles, la préservation de l’indépendance de l’Irak face aux influences étrangères, la poursuite des fonctionnaires corrompus ainsi que le démantèlement des systèmes favorisant la corruption.

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Ameerah Ismael

Diplômée d'un master en Relations internationales et Diplomatie et d'une licence en Langues étrangères appliquées (anglais-arabe-hindi) de l'Université Jean Moulin Lyon 3. Intéréssée par les enjeux politiques, militaires et sociétaux au Moyen-Orient mais également à l'Extrême-Orient.

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